Madrid, 3 mai 2017 (AFP)
Qu’aurait dit Albert Camus en ces temps si complexes en Méditerranée? A Minorque, dans l’archipel espagnol des Baléares, une trentaine d’intellectuels, dont Amin Maalouf et Yasmina Khadra, ont revisité la pensée de l’auteur de “l’Homme révolté”, “boussole morale” iconoclaste.
Albert Camus avait une grand-mère maternelle née à Minorque, d’où ces rencontres littéraires organisées de samedi à lundi pour célébrer le 60e anniversaire de son Nobel de littérature.
La Méditerranée chère à l’écrivain franco-algérien est “devenue mer de sang” avec les réfugiés fuyant les guerres en Syrie et Irak, a déploré d’entrée de jeu Françoise Kleltz-Drapeau, docteure en philosophie à Paris III-la Sorbonne.
Or, face à cette actualité les trois cycles de l’oeuvre de Camus ont un sens, a estimé l’ancien ministre socialiste espagnol des Affaires étrangères Miguel-Angel Moratinos (2004-2010): “l’absurde”, lié à “la réalité horrible de la guerre”, la “rébellion” contre l’injustice, “l’amour”.
Albert Camus, mort en 1960, “représente une sorte de boussole morale”, explique aussi à l’AFP l’auteur libanais Amin Maalouf. “On a besoin d’une figure comme la sienne, qui évalue les événements, les comportements, sur la base de ce qui est acceptable du point de vue de l’Homme”.
L’écrivain algérien Yasmina Khadra se souvient de son choc en lisant “l’Etranger” à 15 ans, un “big bang”. “Le big bang, c’était cette simplicité apparente” dont il était capable, “qui s’enfonce au plus profond de la complexité humaine”, explique-t-il à l’AFP.
Aujourd’hui, ajoute cet ancien militaire qui aurait préféré être “footballeur ou danseuse du ventre”, “il y a “un besoin impérieux de conserver un regard salutaire sur l’humanité, sans céder à la guerre, aux conflits”, comme lui.
Camus était profondément pacifiste, traumatisé par la guerre qui avait emporté son père alors qu’il n’avait qu’un an, en 1914.
Cela lui valut des reproches en Algérie, car il se prononça aussi contre la violence de la guerre d’indépendance, pour une Algérie “reliée à la France” et contre “une Algérie reliée à un empire d’Islam”.
En écrivant en français, “il reflétait aussi l’idéologie dominante” du colonisateur français, a tenu à souligner le poète et enseignant irakien Sinan Antoon. Au-delà de l’esthétique, il incarnait aussi cette “violence”.
Mais lui “ne se réfère pas particulièrement à une idéologie, une religion. Mais à une conscience, sur la base de ce qui est acceptable du point de vue de l’Homme”, semble répondre le Libanais Amin Maalouf.
“Il y avait quelque chose chez lui qui ne se laissait pas abuser. Par exemple, aujourd’hui on connaît les travers du stalinisme (qu’il dénonçait), mais dans les années 1950 c’était difficile de le dire dans le milieu des intellectuels. Il ne se laissait pas entraîner par la vague du moment”, ajoute l’écrivain, en dénonçant les “réseaux sociaux” qui au lieu d’exprimer la diversité conduisent à amplifier l’opinion dominante.
– Présidentielle –
“Le problème aujourd’hui”, déclare aussi à l’AFP Yasmina Khadra, “c’est que les gens qui n’ont pas grand chose à dire sont les plus écoutés… Ils viennent nous parler de la fin du monde et de la nécessité de revenir à l’âge de pierre et de refuser l’autre”.
C’est pourquoi “convoquer la parole de Camus, son regard lucide sur les dérives humaines, est une nécessité absolue: les esprits sont en train de se décomposer”. “Imaginez (la dirigeante française d’extrême droite) Marine Le Pen présidente. Elle n’a pas de projet de société, cette dame. Elle n’a que haine et quand on est dans le déni, on privilégie systématiquement la répression”.
L’écrivain fut le premier à dénoncer les conséquences de la bombe atomique lancée par les Etats-Unis sur Hiroshima au Japon, le 8 août 1945, alors que ses confrères évoquaient la prouesse technique, souligne Maria Santos-Sainz, auteure d’un livre paru en 2016 en Espagne sur “Camus, journaliste”.
Camus l’éditorialiste, explique cette enseignante à l’Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA, France), avait découvert, avant la philosophe allemande Hannah Arendt, “la banalité du mal”, notamment quand, dès 1944, il dénonça l’indifférence par rapport aux camps de concentration.
Il nous enseigne “que le goût de la vérité n’empêche pas la prise de partie”, estime-t-elle, en rappelant ses commandements de journaliste: “la lucidité, le refus, l’ironie et l’obstination”.
Albert Camus avait une grand-mère maternelle née à Minorque, d’où ces rencontres littéraires organisées de samedi à lundi pour célébrer le 60e anniversaire de son Nobel de littérature.
La Méditerranée chère à l’écrivain franco-algérien est “devenue mer de sang” avec les réfugiés fuyant les guerres en Syrie et Irak, a déploré d’entrée de jeu Françoise Kleltz-Drapeau, docteure en philosophie à Paris III-la Sorbonne.
Or, face à cette actualité les trois cycles de l’oeuvre de Camus ont un sens, a estimé l’ancien ministre socialiste espagnol des Affaires étrangères Miguel-Angel Moratinos (2004-2010): “l’absurde”, lié à “la réalité horrible de la guerre”, la “rébellion” contre l’injustice, “l’amour”.
Albert Camus, mort en 1960, “représente une sorte de boussole morale”, explique aussi à l’AFP l’auteur libanais Amin Maalouf. “On a besoin d’une figure comme la sienne, qui évalue les événements, les comportements, sur la base de ce qui est acceptable du point de vue de l’Homme”.
L’écrivain algérien Yasmina Khadra se souvient de son choc en lisant “l’Etranger” à 15 ans, un “big bang”. “Le big bang, c’était cette simplicité apparente” dont il était capable, “qui s’enfonce au plus profond de la complexité humaine”, explique-t-il à l’AFP.
Aujourd’hui, ajoute cet ancien militaire qui aurait préféré être “footballeur ou danseuse du ventre”, “il y a “un besoin impérieux de conserver un regard salutaire sur l’humanité, sans céder à la guerre, aux conflits”, comme lui.
Camus était profondément pacifiste, traumatisé par la guerre qui avait emporté son père alors qu’il n’avait qu’un an, en 1914.
Cela lui valut des reproches en Algérie, car il se prononça aussi contre la violence de la guerre d’indépendance, pour une Algérie “reliée à la France” et contre “une Algérie reliée à un empire d’Islam”.
En écrivant en français, “il reflétait aussi l’idéologie dominante” du colonisateur français, a tenu à souligner le poète et enseignant irakien Sinan Antoon. Au-delà de l’esthétique, il incarnait aussi cette “violence”.
Mais lui “ne se réfère pas particulièrement à une idéologie, une religion. Mais à une conscience, sur la base de ce qui est acceptable du point de vue de l’Homme”, semble répondre le Libanais Amin Maalouf.
“Il y avait quelque chose chez lui qui ne se laissait pas abuser. Par exemple, aujourd’hui on connaît les travers du stalinisme (qu’il dénonçait), mais dans les années 1950 c’était difficile de le dire dans le milieu des intellectuels. Il ne se laissait pas entraîner par la vague du moment”, ajoute l’écrivain, en dénonçant les “réseaux sociaux” qui au lieu d’exprimer la diversité conduisent à amplifier l’opinion dominante.
– Présidentielle –
“Le problème aujourd’hui”, déclare aussi à l’AFP Yasmina Khadra, “c’est que les gens qui n’ont pas grand chose à dire sont les plus écoutés… Ils viennent nous parler de la fin du monde et de la nécessité de revenir à l’âge de pierre et de refuser l’autre”.
C’est pourquoi “convoquer la parole de Camus, son regard lucide sur les dérives humaines, est une nécessité absolue: les esprits sont en train de se décomposer”. “Imaginez (la dirigeante française d’extrême droite) Marine Le Pen présidente. Elle n’a pas de projet de société, cette dame. Elle n’a que haine et quand on est dans le déni, on privilégie systématiquement la répression”.
L’écrivain fut le premier à dénoncer les conséquences de la bombe atomique lancée par les Etats-Unis sur Hiroshima au Japon, le 8 août 1945, alors que ses confrères évoquaient la prouesse technique, souligne Maria Santos-Sainz, auteure d’un livre paru en 2016 en Espagne sur “Camus, journaliste”.
Camus l’éditorialiste, explique cette enseignante à l’Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA, France), avait découvert, avant la philosophe allemande Hannah Arendt, “la banalité du mal”, notamment quand, dès 1944, il dénonça l’indifférence par rapport aux camps de concentration.
Il nous enseigne “que le goût de la vérité n’empêche pas la prise de partie”, estime-t-elle, en rappelant ses commandements de journaliste: “la lucidité, le refus, l’ironie et l’obstination”.