Johannesburg, 7 avr 2017 (AFP)

Parti historique de Nelson Mandela, le Congrès national africain (ANC) traverse sa pire crise depuis son accession au pouvoir en Afrique du Sud à la fin de l’apartheid en 1994, au point de mettre en question son hégémonie aux prochaines élections générales de 2019.
Pour ses détracteurs comme pour de nombreux analystes, un homme est responsable de cette possible débâcle: Jacob Zuma, chef de l’Etat et président du parti.
Embourbé depuis plusieurs mois dans une longue série de scandales, le président sud-africain règne aujourd’hui sur une ANC profondément divisée à son sujet.
S’il peut encore s’appuyer sur une bonne frange de loyalistes, notamment au sein de la jeune garde du parti, il doit faire face à la grogne croissante d’une aile plus modérée, lassée de ses décisions qui font trembler l’économie sud-africaine.
Fin mars, dans un coup de balai ministériel de grande ampleur, il a nommé dix ministres et autant de vice-ministres, la plupart considérés comme ses fidèles.
Les frondeurs ont été contraints de prendre la porte et notamment le plus emblématique d’entre eux, Pravin Gordhan, ministre des Finances respecté des marchés, champion de la lutte anticorruption et ennemi n°1 de Jacob Zuma.
« La crise économique et le retour de flamme contre les réformistes pourraient entraîner la création d’un parti indépendant et conduirait très probablement à la fin d’une majorité ANC », estime Darias Jonker, du groupe d’analyste Eurasia.
En 2008, l’ANC avait déjà connu de profondes divisions lorsque le président Thabo Mbeki avait démissionné. Ses partisans avaient quitté le parti pour former le Congrès du Peuple (Cope) qui avait réuni 7,4% des voix aux élections de 2009, mais qui a aujourd’hui pratiquement disparu du paysage politique.
– Majorité menacée –
Officiellement l’ANC fait pour le moment front derrière le chef de l’Etat, mais ses alliés historiques commencent à s’inquiéter.
Le parti communiste sud-africain (SACP) et la Cosatu, principal syndicat du pays, ont réclamé la démission de M. Zuma, rejoints par plusieurs dizaines d’anciens combattants de l’ANC. Trois ministres révoqués ont par ailleurs démissionné de leur siège de député du parti.
L’an dernier, l’ANC avait déjà reçu un avertissement dans les urnes avec le score le plus bas de son histoire (54%) aux élections municipales et la perte de Pretoria, Johannesburg et Port Elizabeth, trois villes majeures du pays.
« Si l’ANC continue de mettre en avant des dirigeants qui n’ont pas de crédibilité (…) il y a de grandes chances qu’elle perde sa majorité absolue au Parlement », met en garde l’analyste politique Ralph Mathegka.
Avec 249 députés sur 400, le Congrès national africain est aujourd’hui largement majoritaire et reste considéré par beaucoup comme le parti qui a libéré l’Afrique du Sud de la dictature raciste de l’apartheid.
Mais au-delà de la personnalité de Zuma, les inégalités toujours criantes dans le pays font leur lot de mécontents, notamment chez les jeunes.
Inimaginable il y a quelques années, le scénario d’une ANC sous la barre des 50% et contrainte à des alliances au Parlement commence à devenir crédible.
– Coalitions –
Deux partis d’opposition, aux couleurs politiques radicalement opposées, sont dans les starting-blocks pour profiter de cette désaffection.
Les libéraux de l’Alliance Démocratique (DA), emmenés par leur premier dirigeant noir Mmusi Maimane, sont déjà à la tête de quatre des six plus grandes villes du pays, ainsi que de la province du Cap.
Ils comptent récupérer les modérés déçus par Jacob Zuma, mais devront surmonter l’image de « parti des Blancs » qui leur colle à la peau.
De l’autre côté du spectre politique, les Combattants pour la liberté économique (EFF) de Julius Malema, jeune parti de gauche radicale, ne cessent de progresser dans les scrutins.
Et malgré leurs divergences, les deux formations ont déjà accepté de former des coalitions pour faire tomber l’ANC dans plusieurs grandes villes, l’an dernier.
Pour éviter un tel scénario à grande échelle en 2019, l’ANC pourrait donc être contrainte de discuter avec l’opposition afin de rester au pouvoir.
« Le chemin que va emprunter l’ANC sera dicté par la faction qui sera au pouvoir », prédit Daniel Silke, analyste indépendant.
« Si ce sont les populistes, ils devraient chercher à faire des accords avec EFF. Si ce sont les modérés, plus pro-business, ils seront plus attirés par la DA », poursuit-il.
Le chef de file de l’ANC pour ces futures élections sera élu fin 2017 lors du congrès du parti. Le clan Zuma soutient l’ex-femme du chef de l’Etat, Nkosazana Dlamini-Zuma, tandis que les réformistes sont rangés derrière le vice-président Cyril Ramaphosa.
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