Pretoria, 12 avr 2017 (AFP)

L’opposition sud-africaine a réussi mercredi une nouvelle démonstration de force en faisant descendre massivement ses troupes dans les rues de Pretoria pour exiger la démission du président Jacob Zuma, de plus en plus contesté dans le pays.
Quelques jours après une première vague de manifestations d’ampleur dans plusieurs villes du pays, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans la capitale aux cris de “Zuma doit partir”, jusqu’au siège du gouvernement.
Englué depuis des mois dans une litanie d’affaires de corruption, le chef de l’Etat a provoqué une nouvelle tempête politique en procédant le 30 mars à un large remaniement ministériel.
Le limogeage du ministre des Finances Pravin Gordhan, qui s’opposait à lui au nom de la transparence de la gestion des deniers publics, a provoqué la colère de l’opposition et une dégradation de la note financière de l’Afrique du Sud.
Constituée pour l’essentiel de militants de l’Alliance démocratique (DA) et des Combattants économiques de la liberté (EFF), les deux principaux partis hostiles au Congrès national africain (ANC) au pouvoir, la marche de mercredi s’est déroulée sans incident.
“Vous êtes venus en nombre et vous avez envoyé un message fort”, s’est réjoui le chef des EFF, Julius Malema, “nous sommes unis pour reprendre le contrôle de notre beau pays”.
“Nous, partis politiques, mettons de côté nos différences pour une cause commune, sauver l’Afrique du Sud des mains de Jacob Zuma”, a renchéri un responsable local de la DA, John Moodey.
– ‘Il a vendu le pays’ –
Dans la foule, de nombreux manifestants arboraient des pancartes “Hamba Tsotsi” (“Dégage, voleur”), allusion à ses relations avec les Gupta, une sulfureuse famille d’hommes d’affaires.
“Zuma doit partir, il a vendu le pays. Je ne veux plus le voir”, a lancé à l’AFP une militante des EFF, Mavis Madisha.
La semaine dernière, M. Zuma avait balayé d’un revers de main la fronde qui le vise en la qualifiant de “raciste”, même si toutes les ethnies, confessions et cultures du pays y étaient représentées.
Lors d’une fête organisée mercredi par l’ANC pour ses 75 ans, il a nouveau minimisé la protestation et remis son sort entre les mains de son parti. “Je veux dire que si on me demandait de quitter mes fonctions dès demain, je le ferai”, a-t-il lancé, “mais je resterai un membre de l’ANC jusqu’à ma mort”.
Le remaniement ordonné par le chef de l’Etat a provoqué une crise ouverte au sein de son parti.
Plusieurs de ses responsables, le vice-président Cyril Ramaphosa en tête, ont dénoncé la décision du président de démettre Pravin Gordhan, mais sont depuis rentrés dans le rang.
L’ANC, qui dispose d’une confortable majorité de 249 sièges sur 400, a ainsi promis de rejeter la motion la nouvelle motion de défiance de l’opposition devant le Parlement.
– Vote reporté –
Le vote devait avoir lieu le 18 avril mais il a été reporté mercredi sine die, a annoncé la présidence du Parlement.
Ce délai doit permettre à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur un recours déposé par l’opposition pour obtenir un vote à bulletins secrets, dans l’espoir qu’il permette aux frondeurs anti-Zuma de l’ANC de voter contre le président.
“Ce report va donner aux députés de l’ANC le temps de réfléchir à leur engagement envers l’Afrique du Sud et son peuple”, s’est réjoui le chef du groupe parlementaire DA, John Steenhuisen, en promettant la poursuite de la fronde anti-Zuma.
A la tête du pays depuis 2009, Jacob Zuma doit prendre sa retraite au terme de son second mandat en 2019.
Mais l’ANC désignera dès la fin de cette année celui qui le remplacera à sa direction et deviendrait président du pays en cas de victoire aux élections générales de 2019.
Face au vice-président Ramaphosa, M. Zuma soutient ostensiblement la candidature de son ex-épouse Nkosazana Dlamini-Zuma, qui vient de quitter la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA).
Cette guerre de succession nourrit de vives tensions au sein de l’ANC. Au pouvoir depuis la fin officielle de l’apartheid en 1994, le parti de l’icône Nelson Mandela a vu son influence reculer, sur fond de chômage record et de déclin de l’économie.
Aux élections locales d’août dernier, il a obtenu moins de 54% des voix au niveau national, son plus mauvais score depuis 1994.