Alger, 7 avr 2017 (AFP)

La campagne pour les législatives du 4 mai débute dimanche en Algérie, où les autorités cherchent à mobiliser les électeurs, nombreux à bouder les urnes car « rien ne change ».
« Samaa sawtek » (« Fais entendre ta voix » en arabe) est le mot d’ordre d’une vaste campagne lancée par le gouvernement pour sensibiliser les citoyens sur l’importance du bulletin de vote.
Des spots passent en boucle à la télévision tandis que le slogan s’affiche sur les panneaux publicitaires dans les villes et villages du pays.
L’enjeu est important: il s’agit de faire mieux qu’aux législatives de 2012, où seuls 42,90% des électeurs avaient voté.
Le ministre de l’Intérieur Noureddine Bedoui a donc appelé cette semaine les Algériens à voter massivement « pour préserver la paix et la stabilité ».
Et les médias audiovisuels ont été invités à « veiller à la sensibilisation des électeurs » et à ne pas « oeuvrer à décrédibiliser les élections ou donner la parole à des parties qui appellent au boycott ».
Mais la mobilisation n’est pas assurée car « le premier parti d’Algérie est celui de la majorité silencieuse », commente le politologue Rachid Grim. « Les élections ne les intéressent plus. Ils estiment que les jeux sont déjà faits et que leurs voix ne seront pas prises en compte », souligne-t-il.
Le Parlement est dominé depuis l’indépendance par le Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique) qui, avec son allié du Rassemblement national démocratique (RND), dispose de la majorité absolue. Ils devraient la conserver après les élections, boycottées par certains partis, selon les observateurs.
– ‘Je m’en contrefiche’ –
Salim, 29 ans, est l’un de ceux qui bouderont les urnes le 4 mai. « Je m’en contrefiche, rien ne changera », lance ce diplômé en comptabilité et chômeur depuis quatre ans, interrogé par l’AFP à Alger.
Ouardia, une chauffeuse de taxi de 50 ans, n’ira pas non plus voter car les hommes politiques « se rappellent de l’existence du peuple juste lors des élections. Le reste du temps, on peut crever ».
Comme elle, nombreux sont les Algérois à se préoccuper davantage de la cherté de la vie que du scrutin alors que les prix des fruits et légumes flambent sur les marchés depuis plusieurs semaines.
Mais Fatima, une enseignante à la retraite de 65 ans, « compte voter » même si elle ne sait « pas encore pour qui », car « trop de sang a coulé dans ce pays ». Cette femme menue a perdu plusieurs proches durant la guerre civile des années 1990 qui avait fait 200 000 morts.
« Le vote devrait être obligatoire », estime Said, un octogénaire qui sirote son café sur une terrasse. Pour lui il est « absurde » de « dormir le jour du vote et de se plaindre après car le résultat ne nous convient pas ».
Ces élections se préparent sur fond de spéculations récurrentes sur l’état de santé du président Abdelaziz Bouteflika, en poste depuis 1999. Depuis un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2013 qui affecté sa mobilité et son élocution, il a quasiment disparu de la scène politique en public.
– Plus de femmes –
Plus de 23 millions d’électeurs sont appelés à élire les 462 membres de l’Assemblée populaire nationale (APN) au suffrage universel.
D’ici là, 1.826 meetings sont programmés dans tout le pays par 940 listes issues de 50 partis et des listes indépendantes. Une intense campagne est également menée sur les réseaux sociaux.
La féminisation des candidats gagne du terrain puisqu’une loi votée fin 2011 oblige les partis à réserver de 20 à 50%, selon les circonscriptions, de leurs listes à des femmes.
Une liste composée exclusivement de femmes a même été mise sur pied dans une ville de la wilaya (préfecture) de Chlef, à 200 km à l’ouest d’Alger.
Ce scrutin voit en outre l’apparition de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), créée dans le cadre de la nouvelle Constitution adoptée en février 2016.
La HIISE est composée de 410 membres: 205 magistrats proposés par le Conseil supérieur de la magistrature et 205 personnes indépendantes choisies au sein de la société civile. Son président Abdelouahab Derbal a en outre indiqué que l’Union européenne (UE), l’Union africaine (UA) et l’Organisation de la Coopération islamique (OCI) allaient envoyer des observateurs à la demande d’Alger.