Paris, 3 nov 2017 (AFP)

Le premier long-métrage du réalisateur algérien Karim Moussaoui, « En attendant les hirondelles », propose le portrait d’une société mouvante dans une Algérie à « un carrefour avec plein de voies possibles ».
« Les gens expérimentent plein de choses, des modes de vie, de nouvelles façons de s’habiller, de manger, de voyager, de prendre des vacances, de travailler, de se marier, de divorcer, de vivre en couple, ou pas », expliquait en juillet à l’AFP le réalisateur. « Je suis curieux de savoir ce que ça va donner ».
Son premier long-métrage est imprégné de cette vision mouvante de la société algérienne, avec des personnages eux aussi situés à des « carrefours » de leur vie.
Sélectionné à Cannes dans la catégorie « Un certain regard », le film entrelace trois histoires: celle d’un promoteur immobilier témoin d’une agression nocturne, d’une jeune femme qui retrouve un amour à la veille de son mariage et d’un médecin confronté à son passé.
Pour Karim Moussaoui (41 ans), « ces personnages arrivent à des moments où ils sont amenés à remettre en question leur choix de vie ». « C’est un scénario que j’ai commencé à écrire en 2009, parce que je me posais à cette époque beaucoup de questions » sur « le processus du changement, du mouvement intérieur ».
Le film suit les routes qui traversent Alger, Constantine, Biskrah. Il saisit les personnages à la lumière orangée des lampadaires, sous les arbres parcourus par le vent, dans la terre d’un bidonville, avec des parenthèses musicales puissantes dont une, inattendue et joyeuse, au coeur du film.
La question de la corruption, le poids du patriarcat et les violences de la guerre civile apparaissent, mais en filigrane, à travers ces histoires.
Et si le titre du film peut faire penser au Printemps arabe, il n’a aucun lien avec les soulèvements qui ont ébranlé l’Égypte, la Tunisie ou la Libye en 2011. « C’est déjà un titre que j’avais entre 2009 et 2010 », précisait le réalisateur. « Ce qui m’intéresse, c’est le mouvement des individus, le printemps des individus. »
– ‘Une forme de malédiction’ –
Né en 1976 à Jijel, d’un père ingénieur et d’un mère professeure de français, Karim Moussaoui raconte être venu « progressivement » au cinéma, dans le ciné-club Chrysalide à Alger, puis en tant que responsable de la programmation à l’Institut français de la capitale algérienne.
Après deux courts-métrages, il a réalisé un moyen-métrage sélectionné aux Césars, « Les jours d’avant » (2015), imprégné de sa propre adolescence: il y narrait une rencontre manquée entre deux jeunes au moment des premières violences de la « décennie noire », la guerre civile des années 90 en Algérie.
Dans le long-métrage, « les personnages n’essaient pas de régler ce qu’il s’est passé pendant cette période-là, ils essaient de vivre avec ». « Ils décident d’exorciser un peu cette forme de malédiction qui est arrivée pendant cette période-là. »
C’est aussi cette décennie qui marque, selon lui, la rupture entre deux générations de cinéastes en Algérie, après le cinéma engagé des années 1960-1970 et le ralentissement des années 1980 lié à la crise économique.
« Ceux des années 1960-1970 continuent à travailler, et il y a des nouveaux arrivants, dont je fais partie. Mais j’ai le pressentiment que le jour où on pourra parler de cinéma, où on sentira qu’il y a une vie cinématographique, c’est le jour où on rouvrira les salles », affirmait le réalisateur.
« Il reste beaucoup à faire. » « Il y a des réalisateurs, des producteurs », mais « sur le plan industriel, le système n’est pas encore en place, on a du mal à faire revivre des salles, très peu de gens travaillent dans le cinéma », regrettait-il.