Bangui, 1 avr 2017 (AFP)

Anéantie par le conflit qui a ravagé le pays et sous le coup d’un embargo sur les armes, l’armée centrafricaine tente avec l’aide de l’Europe de tourner la page d’une longue histoire de coups d’Etat et de mutineries.
La Centrafrique attend pour fin avril la présentation d’un premier bataillon, en formation depuis six mois à Bangui sous la responsabilité d’une mission d’entraînement de l’Union européenne (EUTM-RCA), la troisième du genre après la Somalie et le Mali.
« Ce bataillon représente environ 700 personnes, dont trois compagnies et un état-major », détaille le commandant de l’EUTM-RCA, le général belge Herman Ruys. Deux autres bataillons devraient être formés par la suite, soit 2.000 hommes au total.
Les soldats peaufinent leur entraînement sur les hauteurs de Bangui dans le camp militaire Kassaï, occupé par les rebelles de la Séléka en 2013.
Les soldats s’entraînent au tir avec des AK-47 sous le regard d’instructeurs français et suédois. « Pas mal, mais il manque une balle dans la tête », commente une jeune militaire scandinave devant les cibles criblées de balles.
A quelques centaines de mètres du stand de tir, un officier centrafricain, le capitaine Innoncent Massé, commandant le troisième bataillon d’infanterie territoriale (BIT), supervise un exercice de progression en colonne.
Sous les tenues de camouflage, les uniformes sont disparates et les armes hors d’usage. Elles proviennent parfois de stocks récupérés auprès des groupes armés par le service de déminage de l’ONU (UNMAS), affirme l’officier de communication de l’EUTM-RCA, Sébastien Isern.
Au total, quelque 70 Européens participent à la restructuration des Forces armées centrafricaines (FACA): 30 instructeurs français, suédois et belges, une vingtaine de formateurs pour le conseil stratégique, et 20 autres pour la formation des officiers et sous-officiers. Commencé le 1er juillet 2016, le mandat de la mission dure deux ans.
– Embargo sur les armes –
« La plupart des soldats ne sont pas des novices, mais il y a longtemps qu’ils n’ont pas exercé. Il ne s’agit pas seulement d’être formé individuellement mais aussi d’être capable de travailler en groupe », détaille le patron de l’EUTM-RCA, le général Ruys.
Avant la formation, les militaires ont été contrôlés par l’ONU pour vérifier qu’ils n’avaient pas commis de crimes de guerre au plus fort des massacres entre groupes armés Séléka prétendant défendre la minorité musulmane et anti-Balaka majoritairement chrétiens, entre 2013 et 2015.
En mars 2013, l’armée en débandade n’avait pas pu éviter le renversement de l’ex-président François Bozizé par les Séléka. Depuis l’indépendance en 1960, l’armée centrafricaine s’était elle-même illustrée par plusieurs coups d’Etat, des mutineries et des exactions.
Même opérationnel dans quelques semaines, le premier bataillon des nouvelles FACA manquera de blindés, de fusils, de pistolets et de munitions, puisque le Conseil des Nations unies a prolongé jusqu’au 31 janvier 2018 l’embargo sur les armes à destination de la Centrafrique, mis en place en 2013.
« La population et l’armée centrafricaine souhaitent la levée de l’embargo pour avoir des moyens pour sa défense. Aujourd’hui elle est dépourvue de tout moyen », proclame le capitaine Massé, relayant une demande du gouvernement.
« Les autorités centrafricaines peuvent demander des dérogations pour une levée partielle pour armer les soldats formés par l’UE », assure l’officier de communication de l’EUTM-RCA.
Le président Faustin-Archange Touadéra a aussi regretté la lenteur de la formation, alors que l’EUTM-RCA est vraiment à l’oeuvre depuis octobre: « Nous avons des formateurs qualifiés et compétents, malheureusement ils sont en nombre insuffisant. Ce que nous demandons, c’est que l’on puisse augmenter le nombre d’instructeurs », a-t-il déclaré lors d’un entretien avec deux médias dont l’AFP pour le premier anniversaire de son mandat le 30 mars.
« Le pouvoir veut une armée crédible. Cela ne se fait pas en cinq minutes », répond l’EUTM-RCA. « Par exemple, les soldats doivent apprendre à tirer avec discernement s’ils interviennent dans des zones urbaines comme à Bambari », une ville du centre-est du pays convoitée par les groupes armés.
En attendant, la sécurité de Bambari et du reste de la Centrafrique dépend exclusivement d’une Mission des Nations unies (Minsuca, 12.500 hommes) supposées faire face aux groupes armés encore actifs dans l’intérieur du pays. Pour plusieurs années encore sans doute.