Tanta (Egypte), 9 avr 2017 (AFP)

Cris de désespoir, colère contre les forces de l’ordre… les mêmes scènes de désarroi se sont reproduites dimanche à Tanta et à Alexandrie, dans le nord de l’Egypte, devant deux église coptes où 44 fidèles ont été tués dans des attentats jihadistes.
A Tanta, dans le delta du Nil, des icônes de Saint-Georges et du Christ ont échappé au souffle de l’explosion. Mais le carrelage maculé de sang et des bancs de bois recouverts de débris témoignent du drame qui a frappé la communauté chrétienne peu avant 10H00 (08H00 GMT) quand une bombe a explosé en pleine messe des Rameaux.
L’attentat revendiqué par le groupe Etat islamique (EI) a fait 27 morts et 78 blessés.
“Il y a eu une violente explosion, près de l’autel. Soudain tout est devenu noir, les gens ont volé les uns sur les autres”, raconte à l’AFP Edmon Edward, qui assistait à la messe avec son frère Emil. Ce dernier, blessé, se tient à ses côtés un bandeau blanc enroulé autour du crâne.
“J’ai entendu l’explosion et je suis venu en courant: il y avait des gens coupés en deux”, témoigne Nabil Nader, 65 ans, qui habite en face de l’église Mar Girgis (Saint-Georges) de Tanta, à une centaine de kilomètres au nord du Caire.
“Le père d’un ami de mon fils se trouvait au premier rang. On n’a retrouvé que sa chaussure”, poursuit-il, la voix nouée par l’angoisse.
Non loin de là, un homme tient dans ses mains un crucifix tâché de sang, tressé à partir de rameau de palmier, comme le veut la tradition copte en ce jour de fête, et des livres de prière brûlés. “Ils sont entrés pour prier, et ils meurent”, se lamente-t-il.
Dehors, le son des sirènes de police et des ambulances retentit, tandis que la police boucle les lieux.
– Tension palpable –
Les habitants qui se sont pressés devant la façade ocre dominée de deux clochers crient leur colère contre la sécurité dérisoire: malgré les détecteurs de métaux, le porteur de la bombe a pu entrer dans le bâtiment sans encombre.
La tension est palpable, des escarmouches éclatent.
“Comment la bombe a-t-elle pu entrer?”, s’insurge Nagat Assaad, qui retient ses larmes. “A quoi servent les détecteurs?”, poursuit-elle. “On ne veut pas de leur protection”, lâche-t-elle en référence à la police égyptienne.
Même désarroi à Alexandrie où un autre attentat a fait 17 morts et 48 blessés.
Dans la rue quelques heures après le drame, une femme copte d’une quarantaine d’années exprime sa colère face aux policiers qui bloquent l’accès à l’église: “A quoi sert de fermer la rue maintenant? Vous auriez dû le faire avant l’explosion!”
Des dizaines de coptes se sont rassemblés devant les lieux du drame et brandissent des croix en bois en scandant: “keryaliassone, keryaliassone”, un mot copte qui signifie “Oh seigneur prend pitié”.
Devant la porte où le kamikaze a activé sa ceinture explosive, de gros morceaux de verre jonchent la chaussée et le trottoir.
Témoin de la violence de l’explosion, Hussein, un vendeur dans une boutique en face de l’église affirme qu’il a été “emporté par le souffle”. “Je suis immédiatement tombé par terre”, dit-il.
La communauté copte d’Egypte, victime de menaces et attaques de l’EI, se sent abandonnée et discriminée par les autorités dans ce pays majoritairement musulman.
Les attentats de dimanche sont parmi les plus sanglants commis ces dernières années contre cette communauté qui représente 10% des 92 millions d’Egyptiens.
En décembre, un attentat suicide spectaculaire revendiqué par l’EI avait frappé au Caire l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, faisant 29 morts. L’attaque était symbolique, puisque cette église est contigüe de l’imposante cathédrale copte Saint-Marc.
Malgré la stupeur qui règne encore quelques heures après le drame de dimanche, une femme à Tanta lance d’un ton plein de défi: “On est chrétien et on restera chrétien”.