Libreville, 15 avr 2017 (AFP)

Longs discours aux allures de monologues, boycotts et polémiques: au Gabon, après 15 jours de tables rondes ouvertes à la société civile, le « dialogue » voulu par le président Ali Bongo Ondimba pour ressouder un pays divisé par sa réélection contestée entre dans sa phase politique.
Prenant le relais d’innombrables associations et autorités religieuses qui viennent de remettre leurs propositions, 188 représentants politiques participeront du 18 avril au 10 mai à ce dialogue « national inclusif et sans tabou ».
Ce forum est cependant toujours rejeté par le rival d’Ali Bongo, Jean Ping, qui se proclame le « président élu » au scrutin du 27 août 2016 et appelle ses partisans à un meeting samedi à Libreville pour demander « la fin du pouvoir illégitime ».
M. Bongo avait annoncé ce « dialogue » dès la validation de sa réélection par la Cour constitutionnelle, pour tourner la page de violences postélectorales sans précédent dans ce pays pétrolier d’1,8 million d’habitants habitué à la paix civile.
« Messieurs, voici ici la brique qui va soutenir la paix au Gabon », a déclaré solennellement mercredi Alexandre Désiré Tapoyo, l’un des rapporteurs de la société civile en clôture de la « phase citoyenne » ouverte le 28 mars.
Cette « brique » est en fait le rapport général des propositions de la société civile sur les réformes constitutionnelles et électorales.
Le rapport plaide entre autres pour une limitation du nombre des mandats présidentiels à un quinquennat renouvelable une fois et pour un vote au suffrage universel à deux tours. Actuellement, le président est élu pour sept ans lors d’un scrutin à un tour.
A côté du stade de l’Amitié de Libreville, théâtre de la dernière Coupe d’Afrique des Nations de football, un immense chapiteau a été installé pour accueillir les 1.200 participants de la société civile.
Dans un pays en proie à des difficultés économiques se manifestant par de nombreuses grèves et des retards dans le paiement de salaires, un budget d’environ 13 milliards de francs CFA (près de 19,8 millions d’euros) a été débloqué pour l’organisation du dialogue, selon les estimations du journal en ligne GabonReview.
« Le gouvernement ne peut pas commenter des chiffres farfelus », a réagi le porte-parole du gouvernement Alain-Claude Bilie-By-Nze joint par l’AFP, ajoutant que « le coût du dialogue sera toujours moins onéreux que le coût d’une guerre ou d’une crise larvée ».
– Crainte du statu quo –
Cette somme sert notamment à financer le « per diem », l’indemnité versée aux participants, qui s’élève à 500.000 francs CFA (760 euros) par personne pour quinze jours, a appris l’AFP de sources concordantes.
Ce « per diem » a lui-même été source de débats houleux. « Plus de 80 associations ne sont pas rentrées en possession de leurs per diem. Nous nous sommes rendus compte que certaines qui n’ont pas participé ont perçu de l’argent », s’est plaint un participant à l’AFP au sortir du stade.
« Nous, on n’est pas là pour l’argent », assure un représentant de la société civile qui se fait appeler M. Joss, président de la jeunesse du Haut-Ogooué – fief électoral d’Ali Bongo – et qui avait soutenu M. Ping à la présidentielle.
« Nous sommes venus car nous sommes des démocrates.(…) Mais ce que l’on a fait, ce n’était pas un dialogue. C’était un monologue », déplore M. Joss.
Comme d’autres participants, il craint que les revendications de la société civile ne soient pas suivies d’effets au sortir de la phase « politique » du dialogue.
« Tout ce que vous avez fait dans la phase citoyenne va être pris en compte par les acteurs de la phase politique », a promis en conférence de presse René Ndemezo Obiang, ancien directeur de campagne de Jean Ping et désormais représentant de l’opposition au « dialogue ».
Les conclusions du « dialogue » devront être transformées au plus vite en texte de loi, selon le gouvernement.