Le Kef (Tunisie), 20 avr 2017 (AFP)

Des milliers de Tunisiens ont manifesté jeudi dans la ville du Kef (nord-ouest), également paralysée par une grève générale, pour protester contre la marginalisation et réclamer un développement plus équitable entre les régions, a constaté un correspondant de l’AFP.
A l’appel de la société civile, les manifestants se sont rassemblés devant le siège du bureau régional du syndicat UGTT, avant de défiler sur les principales artères de cette ville de quelque 50.000 habitants située à 180 km à l’ouest de la capitale Tunis, non loin de la frontière algérienne.
“Travail, liberté, dignité”, “le développement du Kef est un droit” ou encore “Ô Kéfi (habitant du Kef, ndlr) opprimé, ta pauvreté a augmenté”, ont scandé les participants, qui ont notamment fustigé les “promesses non tenues” du gouvernement.
Aucun incident notable n’a été signalé au terme de ce rassemblement.
Institutions, publiques et privées, boutiques et cafés ont pour leur part répondu massivement à l’appel à la grève générale, laissant leurs rideaux baissés, selon le correspondant de l’AFP. Seuls les hôpitaux, pharmacies et boulangeries sont restés ouverts.
Pour Rached Salhi, un professeur, “cette manifestation et cette grève sont importantes pour faire passer un cri de colère face à une situation qui ne peut plus durer”.
“La région du Kef est marginalisée par le pouvoir central depuis l’indépendance. Elle a été ignorée par tous les gouvernements qui se sont succédé après la révolution, et Youssef Chahed (l’actuel Premier ministre, ndlr) a fait la même chose”, a renchéri auprès de l’AFP Kamel Saihi, secrétaire général adjoint du bureau régional de l’UGTT.
Il a ainsi qualifié de “message négatif” le déplacement effectué le même jour par M. Chahed à Sfax, ville côtière et deuxième agglomération du pays. “La grève générale est au Kef et Youssef Chahed est à Sfax!”, s’est emporté M. Saihi.
La Tunisie connaît de nouveau, depuis plusieurs semaines, d’importants mouvements sociaux dans des régions périphériques, comme à Tataouine et Kairouan (centre).
A Tataouine (500 km au sud de Tunis), une grève générale avait été observée le 11 avril, malgré la venue quelques jours plus tôt d’une délégation ministérielle et l’annonce la veille d’une série de mesures de la part du gouvernement.
Les revendications locales portent notamment sur les conditions de recrutement et la répartition des revenus des entreprises pétrolières de la région.
Au Kef, les protestations ont été déclenchées au début du mois par des rumeurs de délocalisation d’une importante usine de la ville pour Hammamet, une région côtière plus développée.
Six ans après sa révolution, la Tunisie, unique pays rescapé du Printemps arabe, n’est toujours pas parvenue à résoudre les maux (pauvreté, chômage, corruption…) à l’origine de la révolte contre la dictature de Zine El Abidine Ben Ali.
L’an dernier, la plus importante contestation depuis la révolution de 2011 était partie de la ville de Kasserine, elle aussi située dans une région défavorisée, à la suite de la mort d’un jeune durant une manifestation pour l’emploi.