Kisumu (Kenya), 11 août 2017 (AFP)

A peine la réélection du président Uhuru Kenyatta annoncée vendredi soir, une clameur de colère a retenti dans les rues du quartier populaire de Kondele, à Kisumu, l’un des fiefs de l’opposition, dans l’extrême ouest du Kenya.
La victoire de M. Kenyatta laissait présager un vif ressentiment chez les partisans de son principal opposant Raila Odinga, dix ans après les pires violences post-électorales de l’histoire du pays, qui avaient fait 1.100 morts. Il n’a pas tardé à se manifester.
A Kisumu, en quelques minutes, les premiers éléments de la police sont apparus et le son des grenades lacrymogènes tirées en direction des manifestants s’est fait entendre.
Le rond-point central de Kondele, dans le nord de la ville, est le traditionnel point de rassemblement pour les manifestations, et la police s’est empressée d’en sécuriser l’accès.
Des dizaines de policiers en tenue anti-émeute ont commencé à avancer lentement, d’un pas lourd, dans le noir, bâtons et boucliers prêts à servir.
“Ils essaient tout, mais ils n’y arrivent pas”, a déclaré un policier dans sa radio, alors que des feux étaient allumés à quelques centaines de mètres de là sur la rue.
Au milieu des gémissements et cris de colère émergeant de la nuit, la police a tiré des coups de feu à Kondele pour tenter de disperser les manifestants, selon un journaliste de l’AFP.
La même scène s’est répétée dans les quartiers d’Obunga et Manyatta. Kondele avait déjà été le théâtre mercredi d’échauffourées, après que l’opposition eut rejeté pour la première fois les résultats alors provisoires de la présidentielle.
“Ils sont venus nous tuer comme en 2007”, a déclaré un manifestant dans un bar du quartier de Nyalenda, où il avait trouvé refuge avec quelques personnes, après que la police eut ouvert le feu en direction d’un groupe qui tentait de manifester.
“Pourquoi tirent-ils sur des innocents qui expriment leur opinion? Pourquoi imposent-ils Uhuru aux gens?”, a-t-il ajouté, s’identifiant seulement par le surnom Odhis.
– ‘Cinq ans de plus’ –
Le reste de la ville était cependant déserté et d’un calme assez lugubre, la police gardant les principaux carrefours.
La colère exprimée à Kisumu a trouvé un écho dans les bidonvilles de Nairobi. Dans le plus grand d’entre eux, Kibera, des partisans de M. Odinga ont attaqué et pillé des commerces qu’ils pensaient appartenir à des sympathisants du parti au pouvoir, selon un photographe de l’AFP.
Ils ont arraché du métal des murs, fracassé des portes et brûlé une partie de leur butin, incitant là encore la police à faire usage des armes à feu.
Mais dans de nombreuses autres parties du pays, ce sont les cris de joie et les chants à gorge déployée des sympathisants de M. Kenyatta qui ont empli la nuit.
A Eldoret, Nakuru ou encore Nyeri, des milliers de personnes sont ainsi descendues dans les rues pour célébrer la réélection de leur champion, brandissant des drapeaux et s’époumonant au son des vuvuzelas.
“C’est à Uhuru de diriger. Il est le meilleur dirigeant que nous ayons eu”, s’est enthousiasmé Simon Kipkoech, à Eldoret.
A Nairobi, sur Thika Road, un des axes routiers menant vers le nord, les gens ont chanté, dansé, sauté sur les voitures et klaxonné, scandant “Uhuru” et “Five more years” (“Cinq ans de plus”).
Mais, même dans la liesse, la défiance qui alimente le paysage politique kényan n’a pas tardé à refaire surface. A Nyeri, un partisan de M. Kenyatta a jubilé: “Raila ne sera jamais président!”.
La veille, jeudi, de jeunes partisans de M. Odinga avaient eux aussi fait la fête, alors que la coalition d’opposition revendiquait la victoire en direct à la télévision.
“Tout le monde au Kenya a voté pour Raila”, voulait alors croire Michael Omondi, 21 ans, avant d’avertir: “Nous, le peuple kényan, ne cèderons pas. Ce n’est que le début”.