Nairobi (AFP)


L’opposition est de nouveau descendue dans la rue mercredi au Kenya, au lendemain du retrait de son chef de file Raila Odinga de l’élection présidentielle du 26 octobre, qui a plongé le pays dans l’incertitude.
M. Odinga estime que son retrait implique l’annulation pure et simple du scrutin fixé au 26 octobre – à la suite de l’invalidation par la Cour suprême de la réélection du président Uhuru Kenyatta le 8 août – et l’organisation d’un tout nouveau processus électoral.
Le chef de l’Etat soutient lui que l’élection doit avoir lieu, avec ou sans son rival, une position symptomatique du contexte politique de plus en plus polarisé dans le pays et dont souffre déjà l’économie la plus dynamique d’Afrique de l’Est
Mercredi, la controversée Commission électorale (IEBC), critiquée par la Cour suprême pour sa gestion du premier scrutin, est sortie de son silence par voie de communiqué pour donner des précisions sur la tenue de la prochaine présidentielle, qu’elle semble déterminée à conduire le 26 octobre.
Se conformant à une décision de justice rendue dans la matinée, l’IEBC a annoncé que les huit candidats de l’élection annulée du mois d’août peuvent, s’ils le souhaitent, prendre part à celle du 26 octobre.
A la suite de l’invalidation de la réélection de M. Kenyatta avec 54,27% des voix, contre 44,74% à M. Odinga, la Commission avait convoqué une nouvelle présidentielle, mais en la limitant à ces deux seuls candidats.
La Commission a ajouté que chacun des huit candidats pouvait se retirer de la compétition en remplissant un formulaire prévu à cet effet, ce que, a-t-elle assuré, M. Odinga et son co-listier n’ont pas encore fait.
On ignorait mercredi soir si l’éventuelle officialisation du retrait de M. Odinga, telle que préconisée par l’IEBC, conduira à une annulation du scrutin du 26 octobre comme le soutient l’opposition, ou si l’élection se tiendra quand même, en son absence.
– ‘Pas d’élection’ –
Afin de donner du poids à ses revendications, des milliers de partisans de l’opposition ont de nouveau manifesté mercredi, après de précédents rassemblements pour la plupart réprimés sans ménagement par la police.
A Kisumu et Homa Bay, des bastions de l’opposition situés dans l’ouest du pays, les manifestants ont érigé des barricades et chanté “pas de réformes, pas d’élection” avant que la police, visée par des jets de pierres, n’intervienne à coup de gaz lacrymogènes et de tirs en l’air.
Forces de l’ordre et petits groupes de manifestants mobiles ont ensuite poursuivi leur confrontation pendant plusieurs heures aux abords du plus grand bidonville de Kisumu.
Le médecin Juliana Otieno, du principal hôpital de Kisumu, a fait état à la presse de trois blessés par balle dans ces manifestations, dont un “grièvement blessé”, et d’une vingtaine d’autres admissions pour des blessures superficielles.
Dans le centre de Nairobi, la police a momentanément dispersé les manifestants à l’aide de gaz lacrymogènes mais le cortège d’environ 1.000 personnes a finalement pu poursuivre sa progression et la manifestation s’est dispersée dans le calme.
Au moins 37 personnes ont été tuées dans les violences qui ont suivi les élections du 8 août, principalement dans la répression de manifestations de l’opposition.
– Loi électorale –
Saisie par l’opposition, la Cour suprême du Kenya avait mis en avant des irrégularités dans la transmission des résultats pour invalider le 1er septembre la réélection de M. Kenyatta.
Cette décision, une première en Afrique, avait été saluée pour son courage à travers le monde, mais nombre d’observateurs l’avaient qualifiée d'”opportunité à ne pas gâcher” en vue de renforcer de la démocratie kényane.
Depuis, les deux camps ont échangé d’innombrables invectives, l’opposition a multiplié les ultimatums et le parti au pouvoir a engagé une procédure accélérée – critiquée par les observateurs internationaux et l’opposition – pour modifier la loi électorale.
Mercredi, les députés de la majorité présidentielle ont approuvé le texte qui a été transmis au Sénat, également dominé par le parti de M. Kenyatta.
Le texte prévoit notamment que les résultats transmis manuellement prévalent sur ceux transmis électroniquement en cas d’écart entre les deux, une porte ouverte à la fraude électorale selon l’opposition.
L’introduction d’une composante électronique avait été décidée après le fiasco des élections de fin 2007 qui avaient débouché sur les pires violences politico-ethniques (1.100 morts) dans le pays depuis son indépendance en 1963.