Bissau, 24 sept 2017 (AFP)

Revenus record des paysans, prévisions de croissance flatteuses: la Guinée-Bissau savoure le succès de sa bataille pour mieux profiter du cajou, sa principale production, même si la transformation locale reste un défi.
« Je n’ai jamais gagné autant d’argent que cette année », s’enthousiasme Braima Seidi. « Ma production tournait toujours autour de deux tonnes et demie, mais comme les prix étaient bas, mes revenus l’étaient aussi. Aujourd’hui je suis millionnaire (en FCFA) avec trois tonnes », explique-t-il.
La croissance du PIB de la Guinée-Bissau devrait atteindre 5,2% cette année en raison d’une nouvelle récolte considérable de cajou dans un contexte de prix internationaux attractifs, a souligné fin août Modibo Touré, le représentant à Bissau du secrétaire général de l’ONU, devant le Conseil de sécurité.
Le cajou (noix d’anacarde), cultivé sur environ 12 % du territoire national, est la principale denrée d’exportation de ce pays, troisième producteur africain après la Côte d’Ivoire et la Tanzanie, selon l’Agence nationale du cajou (ANC, publique). L’Afrique produit à elle seule plus de la moitié du cajou mondial, selon le Conseil international des fruits secs.
– Amande, jus et pulpe –
Depuis plusieurs mois, la saison du cajou bat son plein en Guinée-Bissau où, dans d’immenses vergers ombragés, s’activent hommes, femmes et jeunes pour rassembler les noix ou les charger dans des sacs au bord de la route, dans l’attente des camions à destination de la capitale.
Des femmes pressent le fruit sur des bacs effilés en bois et recueillent le liquide dans des bassines, qui servira de jus naturel ou, une fois fermenté, de vin. La pulpe séchée au soleil par terre deviendra, elle, un aliment pour le bétail.
Malgré une demande mondiale de cajou en constante augmentation, les paysans bissau-guinéens devaient ces dernières années se contenter de prix peu rémunérateurs, dans des circuits commerciaux dominés par des étrangers, en particulier indiens.
En mai, alors que les cours mondiaux s’annoncent exceptionnels, les autorités de Guinée-Bissau constatent que le cajou est vendu dans le pays deux fois moins cher que dans la région sénégalaise voisine de Casamance, où il se négocie jusqu’à 1.000 FCFA (environ 1,5 euro).
Soupçonnant une possible contrebande, le président José Mario Vaz suspend alors quelques semaines la commercialisation pour assainir le marché. Il lève par ailleurs l’interdiction de la présence d’étrangers dans ce négoce – cette interdiction récente visait à favoriser les opérateurs locaux.
Conséquence de ces deux décisions, les acheteurs, notamment indiens, chinois et mauritaniens, se bousculent à nouveau en Guinée-Bissau, y faisant grimper le prix (de vente du kilo de cajou) jusqu’à 1.500 FCFA (environ 2,3 euros).
– Incitation à épargner –
Cette année, la quantité à exporter devrait avoisiner les 200.000 tonnes, selon l’ANC, en hausse de plus de 6%.
Et surtout, les revenus des producteurs devraient bondir de quelque 50% par rapport à 2016, à environ 60 millions d’euros, selon les cabinets d’experts.
« Jamais, de mémoire de Bissau-Guinéen, le prix au producteur n’a atteint ce niveau, nous tenons à vous en remercier », déclarait récemment lors d’une rencontre avec le chef de l’Etat Mamadù Néné Baldé, un responsable du monde rural.
Le président Vaz a exhorté les producteurs à en profiter pour se constituer une épargne. « Pour garantir un meilleur futur à vos enfants, je vous conseille de déposer une partie de votre argent dans les banques agréées », a-t-il dit.
Avec l’argent gagné, Braima Seidi a construit une maison en zinc, acheté une réserve d’une tonne de riz pour la famille et une moto pour ses déplacements.
– Transformer localement –
L’amande de la noix de cajou est utilisée en cuisine et dans les cosmétiques, alors que la résine contenue dans sa coque se prête à divers usages industriels.
La production de cajou, qui est essentiellement exporté brut vers l’Inde ou d’autres pays asiatiques, comme la Chine et le Vietnam, pourrait rapporter encore plus à l’économie de Guinée-Bissau si la transformation avait lieu à domicile.
Mais à peine 10% de la production sont transformés sur place en « cacahuètes » (noix de cajou grillées), bonbons ou biscuits, par une dizaine d’unités familiales qui les vendent dans le pays ou l’exportent au Portugal, l’ancienne puissance coloniale. Une entreprise libyenne s’active aussi dans la production de « cacahuètes ».
« Aujourd’hui, l’Afrique a ouvert les yeux sur le potentiel que revêt la noix de cajou, sur la richesse que nous avons et que nous produisons et dont nous ne tirons aucun bénéfice », affirmait il y a un an à Bissau la présidente de l’Alliance africaine du cajou, Georgette Taraf, appelant à renoncer au modèle du tout-exportation.
L’Etat de Guinée-Bissau peut en tout cas savourer cette année ses recettes fiscales liées aux exportations de cajou: elles devraient grimper à 128 millions d’euros, selon une source à l’ANC. C’est presque la moitié du budget de l’Etat en 2017, qui était de 173,2 milliards CFA (264 millions d’euros), pour ce pays ouest-africain classé parmi les derniers à l’Indice de développement humain (IDH) de l’ONU.