Lagos, 10 mai 2017 (AFP)
« Je suis mariée. Je suis bien »: l’une des lycéennes nigérianes de Chibok enlevées par Boko Haram, a refusé d’être libérée avec 82 autres de ses camarades, a affirmé la présidence nigériane. Un phénomène qui n’est pas rare chez les victimes du groupe jihadiste, selon les experts.
Enlevées par des combattants de Boko Haram au moment de leurs examens, plus de 200 jeunes filles de 12 à 15 ans sont restées entre les mains du groupe pendant plus de trois ans, dans un « isolement relatif », note Mausi Segun de Human Right Watch à Abuja.
« Après une période aussi longue, il n’est pas étonnant pour les captives de développer le syndrome de Stockholm », explique la chercheuse, qui souligne aussi les « traumatismes dus aux violences », la « confusion religieuse » et la peur des « suspicions » de la communauté comme raison du refus de rentrer.
Zannah Mustapha, un négociateur de l’échange, cité par les journaux locaux affirme que plusieurs d’entre elles ne souhaitent toujours pas rentrer. Elles sont toujours une centaine à n’avoir pas été retrouvées.
Le leader de Boko Haram, Abubakar Shekau avait annoncé peu de temps après leur enlèvement avoir « mariées » les filles de Chibok à des combattants, et, pour les chrétiennes, les avoir « converties à l’Islam ».
Dans cette région extrêmement pauvre du Nigeria, la promesse d’un mariage fait partie des moyens de recrutement pour les hommes. Les enlèvements de masse également.
Des milliers d’enfants, d’hommes, mais aussi de jeunes femmes ont été convertis, de gré ou de force, à l’extrémisme de ce qui a longtemps été une secte islamiste rigoriste avant de se transformer peu à peu en mouvement jihadiste sanglant.
L’enlèvement des 276 lycéennes de Chibok en avril 2014 avait déclenché une vague d’indignation mondiale, et leur demande de libération avait été relayée partout dans le monde à coups de hashtags #bringbackourgirls, jusqu’à Michelle Obama. Elles sont devenues le symbole des kidnappings de civils dans ce conflit qui ravage la vaste région du lac Tchad.
La jeune fille qui a refusé d’être libérée porte ainsi témoignage des « relations complexes » qu’entretiennent les victimes « avec leurs ravisseurs », note Elizabeth Pearson, spécialiste du rôle des femmes dans le conflit.
– ‘enfants impliqués’ –
« Selon les témoignages que nous avons recueillis, les combattants de Boko Haram ne sont pas tous violents avec les femmes du camp. Des unions sincères peuvent voir le jour, surtout lorsqu’il y a des enfants impliqués », explique à l’AFP la chercheuse pour le Royal United Services Institute (RUSI) de Londres.
« C’est beaucoup plus complexe que la narration de ‘victime-kidnapping-sauvetage’ que l’on peut entendre parfois », poursuit Mme Pearson.
Boko Haram, dans sa rhétorique anti-gouvernementale, anti-armée, parfois empreinte de magie noire dans une région abandonnée par l’Etat pendant des décennies, peut séduire une population non-éduquée.
« Les femmes ne sont pas seulement victimes mais aussi actrices dans cette guerre », pouvait-on lire dans un rapport d’International Crisis Group de décembre 2016.
Après sept ans de guerre, « les hommes ont été tués de manière disproportionnée », souligne le rapport, et les femmes, kidnappées ou qui ont choisi de rejoindre le groupe jihadiste par conviction, sont régulièrement utilisées comme bombes humaines depuis près de deux ans.
– réintégration casse-tête –
Toutes ces nuances rendent la réhabilitation des femmes enlevées encore plus difficiles: elles sont rejetées par une communauté suspicieuse de leur implication dans le groupe. Pire, les enfants issus d’union avec des combattants sont parfois abandonnés dans les camps de déplacés.
Alors que l’armée nigériane prend chaque semaine de nouveaux villages, la réintégration de ces populations est un vrai casse-tête pour les autorités.
Toute personne qui a vécu dans des villages tenus par Boko Haram, ou kidnappée par le groupe, doit se soumettre à des vérifications par l’armée, pour des durées parfois de plusieurs mois.
Amnesty International a demandé dimanche aux autorités nigérianes d’apporter aux 82 lycéennes libérées un soutien psychologique adéquat et de ne pas prolonger la traditionnelle enquête militaire devant évaluer leur allégeance au groupe jihadiste.
Début avril, l’Unicef avait également dénoncé la mise en détention de centaines d’enfants par l’armée qui les interroge sur Boko Haram et leur appartenance présumée à l’organisation jihadiste.
« Nous devons montrer de l’amour aux enfants innocents et apporter notre soutien à leur mère, innocentes elles-aussi », avait imploré le gouverneur du Borno, Kashim Shettima, dès les premières libérations en 2015, prévenant que, sinon, ils risquaient « d’hériter » de la haine de leurs pères. Une situation qui, deux années plus tard, n’a toujours pas été résolue. « L’enfant d’un serpent est un serpent », dit un adage local.
Enlevées par des combattants de Boko Haram au moment de leurs examens, plus de 200 jeunes filles de 12 à 15 ans sont restées entre les mains du groupe pendant plus de trois ans, dans un « isolement relatif », note Mausi Segun de Human Right Watch à Abuja.
« Après une période aussi longue, il n’est pas étonnant pour les captives de développer le syndrome de Stockholm », explique la chercheuse, qui souligne aussi les « traumatismes dus aux violences », la « confusion religieuse » et la peur des « suspicions » de la communauté comme raison du refus de rentrer.
Zannah Mustapha, un négociateur de l’échange, cité par les journaux locaux affirme que plusieurs d’entre elles ne souhaitent toujours pas rentrer. Elles sont toujours une centaine à n’avoir pas été retrouvées.
Le leader de Boko Haram, Abubakar Shekau avait annoncé peu de temps après leur enlèvement avoir « mariées » les filles de Chibok à des combattants, et, pour les chrétiennes, les avoir « converties à l’Islam ».
Dans cette région extrêmement pauvre du Nigeria, la promesse d’un mariage fait partie des moyens de recrutement pour les hommes. Les enlèvements de masse également.
Des milliers d’enfants, d’hommes, mais aussi de jeunes femmes ont été convertis, de gré ou de force, à l’extrémisme de ce qui a longtemps été une secte islamiste rigoriste avant de se transformer peu à peu en mouvement jihadiste sanglant.
L’enlèvement des 276 lycéennes de Chibok en avril 2014 avait déclenché une vague d’indignation mondiale, et leur demande de libération avait été relayée partout dans le monde à coups de hashtags #bringbackourgirls, jusqu’à Michelle Obama. Elles sont devenues le symbole des kidnappings de civils dans ce conflit qui ravage la vaste région du lac Tchad.
La jeune fille qui a refusé d’être libérée porte ainsi témoignage des « relations complexes » qu’entretiennent les victimes « avec leurs ravisseurs », note Elizabeth Pearson, spécialiste du rôle des femmes dans le conflit.
– ‘enfants impliqués’ –
« Selon les témoignages que nous avons recueillis, les combattants de Boko Haram ne sont pas tous violents avec les femmes du camp. Des unions sincères peuvent voir le jour, surtout lorsqu’il y a des enfants impliqués », explique à l’AFP la chercheuse pour le Royal United Services Institute (RUSI) de Londres.
« C’est beaucoup plus complexe que la narration de ‘victime-kidnapping-sauvetage’ que l’on peut entendre parfois », poursuit Mme Pearson.
Boko Haram, dans sa rhétorique anti-gouvernementale, anti-armée, parfois empreinte de magie noire dans une région abandonnée par l’Etat pendant des décennies, peut séduire une population non-éduquée.
« Les femmes ne sont pas seulement victimes mais aussi actrices dans cette guerre », pouvait-on lire dans un rapport d’International Crisis Group de décembre 2016.
Après sept ans de guerre, « les hommes ont été tués de manière disproportionnée », souligne le rapport, et les femmes, kidnappées ou qui ont choisi de rejoindre le groupe jihadiste par conviction, sont régulièrement utilisées comme bombes humaines depuis près de deux ans.
– réintégration casse-tête –
Toutes ces nuances rendent la réhabilitation des femmes enlevées encore plus difficiles: elles sont rejetées par une communauté suspicieuse de leur implication dans le groupe. Pire, les enfants issus d’union avec des combattants sont parfois abandonnés dans les camps de déplacés.
Alors que l’armée nigériane prend chaque semaine de nouveaux villages, la réintégration de ces populations est un vrai casse-tête pour les autorités.
Toute personne qui a vécu dans des villages tenus par Boko Haram, ou kidnappée par le groupe, doit se soumettre à des vérifications par l’armée, pour des durées parfois de plusieurs mois.
Amnesty International a demandé dimanche aux autorités nigérianes d’apporter aux 82 lycéennes libérées un soutien psychologique adéquat et de ne pas prolonger la traditionnelle enquête militaire devant évaluer leur allégeance au groupe jihadiste.
Début avril, l’Unicef avait également dénoncé la mise en détention de centaines d’enfants par l’armée qui les interroge sur Boko Haram et leur appartenance présumée à l’organisation jihadiste.
« Nous devons montrer de l’amour aux enfants innocents et apporter notre soutien à leur mère, innocentes elles-aussi », avait imploré le gouverneur du Borno, Kashim Shettima, dès les premières libérations en 2015, prévenant que, sinon, ils risquaient « d’hériter » de la haine de leurs pères. Une situation qui, deux années plus tard, n’a toujours pas été résolue. « L’enfant d’un serpent est un serpent », dit un adage local.