Banjul (Gambie), 6 avr 2017 (AFP)

Les Gambiens votaient jeudi pour choisir leurs députés, premières élections depuis le départ de Yahya Jammeh, suscitant l’espoir d’un réel équilibre des pouvoirs après 22 ans de toute-puissance de l’exécutif.
En Gambie, pays anglophone enclavé dans le territoire sénégalais hormis sa façade atlantique, le Parlement monocaméral compte 58 députés: 53 élus et cinq nommés par le président pour un mandat de cinq ans.
Un peu plus de 886.000 électeurs, sur quelque 2 millions d’habitants, doivent choisir leurs députés parmi 238 candidats, issus de neuf partis politiques ou de listes indépendantes, selon la Commission électorale (IEC). Les premiers résultats sont attendus dès jeudi soir.
Quelques dizaines d’électeurs attendaient l’ouverture du scrutin à 08H00 (locales et GMT) dans un bureau de vote de Bakau, en périphérie de Banjul.
« J’ai voté pour le GDC » (Congrès démocratique de Gambie), a confié Anna Stelle, 69 ans, ancienne électrice du parti de M. Jammeh, en référence à la formation de Mama Kandeh, arrivé en troisième position à l’élection présidentielle du 1er décembre 2016.
« Je ne voterai plus jamais pour l’APRC (Alliance patriotique pour la réorientation et la construction, ex-parti au pouvoir) et l’autre candidat est de l’UDP (Parti démocratique unifié, principale formation de l’ex-opposition) », a-t-elle expliqué, qualifiant ce dernier de « tribaliste ».
Alagie Bubacarr Jallow, 42 ans, chômeur, est lui venu voter pour le candidat de l’UDP. « Il y a beaucoup de choses à faire dans cette ville. Le régime a ignoré Bakau pendant 22 ans », a-t-il dit.
Yahya Jammeh est parti en exil en Guinée équatoriale en janvier, à la suite d’une intervention militaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et d’une ultime médiation guinéo-mauritanienne pour le forcer à céder le pouvoir.
Déclaré perdant de l’élection présidentielle de décembre, il a contesté pendant six semaines sa défaite face à Adama Barrow, candidat d’une large coalition.
Mais cette coalition n’aura pas survécu au départ de M. Jammeh et les partis qui la composaient se présentent séparément à ce scrutin, faisant craindre à certains de ses membres que cette division ne profite à l’APRC.
– Observateurs européens –
Le parti de l’ex-président espère l’emporter dans les 29 circonscriptions où il présente des candidats, selon son chef de campagne, Yankuba Colley.
« L’APRC est le plus grand parti du pays, que ça plaise ou non », a déclaré un responsable de cette formation, Bibi Darboe, lors d’un meeting à la fin de la campagne.
« Ils vont mourir de leur belle mort », a au contraire estimé Madi Ceesay, de l’UDP, auquel appartenait Adama Barrow avant d’en démissionner pour représenter l’ensemble de la coalition contre Yahya Jammeh.
« Ils n’auront pas plus de deux sièges au Parlement », a assuré M. Ceesay, un des 44 candidats de l’UDP, en lice à Serrekunda, la zone la plus peuplée du pays, près de Banjul.
Le GDC espère de son côté réaliser une percée. Le parti attire les électeurs « parce que nous parlons de la jeunesse, des femmes, et d’émancipation », a affirmé un de ses candidats, Ebrima Nyang.
Aux précédentes élections législatives en 2012, boycottées par six des principaux partis d’opposition l’APRC avait remporté une victoire écrasante.
Sous Yahya Jammeh, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1994, puis constamment élu et réélu de 1996 à sa défaite surprise en 2016, les lois étaient généralement d’initiative gouvernementale et n’étaient envoyées que beaucoup plus tard, voire jamais, à l’Assemblée pour être approuvées.
L’Union européenne, qui a déployé pour la première fois une véritable mission d’observation des élections en Gambie, s’est dite confiante dans le déroulement du scrutin.
« La campagne a été très libre et pacifique », a déclaré le chef de la mission, le député tchèque au Parlement européen Miroslav Poche.
L’Union africaine et la Cédéao, dont les troupes sont toujours présentes en Gambie à la demande de M. Barrow, ont également envoyé des observateurs.