Rome, 26 juil 2017 (AFP)

Dossier libyen, crise des migrants, chantiers navals STX, liaison ferroviaire Lyon-Turin… Plusieurs décisions prises par le nouveau président français Emmanuel Macron depuis son élection ont jeté une ombre sur la “grande” amitié qui lie la France et l’Italie.
Parmi les motifs de friction, l’initiative du président français de réunir mardi à Paris les deux leaders libyens, le Premier ministre Fayez al-Sarraj et son rival Khalifa Haftar.
Réagissant mercredi à cette rencontre, le chef du gouvernement italien Paolo Gentiloni a dit en “suivre avec espérance les développements”, tout en exprimant à mots couvert ses doutes quant à son issue favorable.
“Si le Premier ministre Sarraj et le général Haftar se rencontrent, cela peut ouvrir des perspectives positives. J’espère que les suites de cette initiative seront plus solides que celles de la précédente rencontre entre les deux à Abu Dhabi”, a-t-il souligné, rappelant que le rendez-vous dans l’émirat en mai dernier n’avait pas abouti à des résultats significatifs.
Autre marque de circonspection vis-à-vis de la position française, celle du ministre italien des Affaires étrangères Angelino Alfano, qui a réaffirmé mercredi, à l’issue d’un entretien avec son homologue français Jean-Yves Le Drian, “l’importance que toute future initiative sur la Libye soit reconduite dans le cadre des Nations unies”.
Dans un langage moins feutré, la presse italienne exprimait le sentiment transalpin, tout en reconnaissant l’indéniable “succès diplomatique” du jeune président français.
“Catapulté en première ligne sur la scène des tractations, Macron a atteint l’objectif et remporte le trophée pour sa médiation”, écrit le Corriere della Sera.
“Mais il n’oublie pas (ou fait semblant de ne pas le sous-évaluer) le travail d’équipe pour en arriver là”, ajoute le journal, qui fait remarquer que M. Macron, “sans doute informé de la mauvaise humeur qui serpente de l’autre côté des Alpes”, n’a pas manqué de remercier son +ami+ Paolo Gentiloni”.
De son côté, le quotidien turinois La Stampa évoque le “brusque réveil de l’Italie, qui n’a pas été invitée à la rencontre malgré son engagement en Libye et malgré l’énorme flux des migrants sur ses côtes”.
Car le dossier des migrants est lui aussi un point douloureux de la relation transalpine depuis qu’Emmanuel Macron a refusé, début juillet, d’ouvrir les ports hexagonaux aux bateaux des ONG, comme le lui demandait l’Italie pour alléger la pression qui pèse sur les siens.
– Ultimatum –
“Macron déçoit l’Italie”, avait alors titré La Stampa, quelques jours à peine après que la France eut “raccompagné” en territoire italien 150 migrants entrés en France par Vintimille.
Et comme si les affaires diplomatiques ne suffisaient pas à assombrir le ciel sans nuage des relations franco-italiennes, l’économie est venue y mettre son grain de sel mercredi, via le dossier des chantiers navals de STX France.
Deux mois après la signature d’un accord prévoyant sa prise de contrôle des chantiers de Saint-Nazaire, le groupe italien Fincantieri a vu le gouvernement français affaler les voiles en annonçant vouloir maintenir un contrôle à 50-50 sur l’entreprise.
Un ultimatum auquel Rome a aussitôt fermement réagi par la voix du ministre du Développement économique, Carlo Calenda. “L’Italie n’a aucune intention d’aller de l’avant” aux conditions françaises, a-t-il martelé.
Autre source d’interrogation pour les Italiens, le rail, après l’annonce le 19 juillet du gouvernement français de marquer “une pause” sur la liaison ferroviaire Lyon-Turin, un grand projet transfrontalier pourtant entériné par un traité international entre les deux Etats.
“On croit se connaître, on croit avoir tout compris de l’autre, mais ce n’est pas vrai, il y a des passages à vide et des moments d’incompréhension”, a déclaré à l’AFP le secrétaire d’Etat italien aux Affaires européennes, Sandro Gozi.
Mais le plus francophile des ministres italiens veut encore y croire. “Je crois que Macron peut exercer un leadership européen et ne devrait pas se limiter à exercer un leadership français”, a-t-il affirmé.
Et parce l’amitié franco-italienne est indéfectible, l’Italie a répondu mardi à l’appel à sa voisine, confrontée à de violents incendies dans le Sud-Est et en Corse, en lui envoyant aussitôt un Canadair.