Nouakchott, 9 nov 2017 (AFP)

Un Mauritanien détenu depuis près de quatre ans pour un billet de blog jugé blasphématoire était en passe de recouvrer la liberté, après une décision de justice jeudi ramenant sa condamnation à mort à deux ans de prison.
Le ministère public ou l’accusé lui-même peuvent introduire un pourvoi en cassation contre la décision de la Cour d’appel de Nouadhibou (nord-ouest), a indiqué à l’AFP un juriste, estimant néanmoins cette hypothèse peu probable, au terme d’un aussi long feuilleton judiciaire, qui a exposé la Mauritanie à de fortes pressions humanitaires internationales.
La peine capitale n’a plus été appliquée en Mauritanie depuis 1987. Cette affaire est le premier cas de condamnation à mort pour apostasie dans le pays.
Le prévenu, Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir – également identifié comme Mohamed Cheikh Ould Mohamed – un musulman âgé d’une trentaine d’années, en détention depuis janvier 2014 pour un article sur internet taxé de blasphème envers le prophète de l’islam, a donc déjà purgé sa peine.
Il a également été condamné à une amende de 60.000 ouguiyas (environ 146 euros).
L’annonce du verdict a été couverte par le brouhaha de partisans d’une nouvelle condamnation à mort, dont les avocats avaient été déboutés mercredi par la cour de leur demande de plaider en tant que « partie civile » pour défendre le prophète de l’islam, insulté selon eux par le prévenu.
La cour avait estimé que ce rôle revenait au ministère public, qui a de nouveau requis la peine capitale.
Des femmes pleuraient à chaudes larmes alors que des insultes fusaient contre la cour et le gouvernement, accusés par une partie de l’assistance « d’avoir choisi le camp de l’Occident contre celui du prophète », selon des témoins.
Le prévenu a été rapidement reconduit en prison sous bonne escorte et les avocats de la défense sont sortis sous la protection des policiers, selon ces témoins.
« C’est une grande victoire. La loi a été dite et la religion respectée », a déclaré à l’AFP Fatimata Mbaye, qui défendait l’accusé.
– Quatre procès en quatre ans –
Le directeur d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Alioune Tine, a exprimé « un immense soulagement » mais appelé les autorités, une fois Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir relâché, à « garantir qu’il puisse vivre sans menace d’agressions physiques et recouvrer sa dignité ».
Son père, fonctionnaire dans l’administration mauritanienne, se sentant menacé, a quitté le pays en décembre à destination de la France, où il se trouve toujours, a-t-on appris de source familiale.
Depuis le matin, dans l’attente du verdict, la ville était quadrillée par les forces de l’ordre, pour parer à d’éventuels troubles.
Des groupes affirmant défendre le prophète de l’islam ont organisé ces trois dernières années de nombreux rassemblements pour réclamer l’exécution du prévenu.
Ce nouveau procès en appel fait suite à la cassation de la condamnation prononcée le 31 janvier 2017 par la Cour suprême, qui avait renvoyé le dossier devant une « Cour d’appel autrement composée pour corriger les erreurs commises », sans préciser ses griefs.
A l’ouverture du procès mercredi, Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir a reconnu avoir « décelé dans son article des erreurs », qu’il avait « immédiatement corrigées dans un autre article ». Il a également exprimé « tout son repentir et ses excuses » et assuré la cour de sa « foi en Allah et en son prophète ».
A l’appui de ses réquisitions, le procureur a relu son texte devant la cour, affirmant qu’il avait « accusé le prophète d’injustice flagrante, mis en doute l’équité de ses jugements et de ses décisions ».
Selon ses défenseurs, la volonté du jeune homme était de critiquer l’utilisation de la religion pour justifier certaines discriminations au sein de la société mauritanienne.
En première instance, il avait été reconnu coupable d’apostasie et condamné à mort le 24 décembre 2014 par la Cour criminelle de Nouadhibou.
Le 21 avril 2016, la Cour d’appel de Nouadhibou avait confirmé la peine de mort mais en requalifiant les faits en « mécréance », une accusation moins lourde prenant en compte son repentir, puis renvoyé son dossier devant la Cour suprême.