A bord de l’Aquarius, 14 août 2017 (AFP)

A bord de l’Aquarius, l’un des derniers navires d’ONG encore engagés au large de la Libye, secouristes et humanitaires poursuivent leur veille, s’inquiétant surtout de ne plus voir arriver de migrants.
Jeudi, la marine libyenne a annoncé la création d’une zone de recherche et de secours (SAR) allant bien au-delà des 12 milles nautiques de ses eaux territoriales, et en a banni les ONG, que Tripoli accuse de collusion avec les passeurs.
Quelques jours plus tôt, des gardes-côtes libyens avaient tiré en l’air en face d’un navire humanitaire, promettant de le viser directement la prochaine fois. Une à une, les ONG ont suspendu leurs opérations.
L’Aquarius, affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), est resté seul dimanche au large de la Libye, où le Phoenix de l’ONG maltaise Moas et le Golfo Azzurro de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms doivent le rejoindre mardi après un ravitaillement à Malte.
“Pour l’instant, nous poursuivons notre activité de patrouille dans les eaux internationales”, assure Nicola Stalla, coordinateur des opérations de recherche et sauvetage à bord de l’Aquarius.
Ce grand bateau orange de 68 mètres de long a longtemps travaillé pour les gardes-côtes allemands puis dans la prospection pétrolière. Depuis l’an dernier, il patrouille au large de la Libye pour sauver des vies.
A bord, les deux ONG comptent chacune une douzaine de personnes, venues de divers pays d’Europe mais aussi des Etats-Unis ou d’Australie. Pour SOS Méditerranée, des gens de la mer désireux de donner de leur temps. Pour MSF, des médecins, logisticiens ou techniciens baroudeurs de l’humanitaire, de l’épidémie d’Ebola à la bataille de Mossoul, mais n’ayant pas forcément le pied marin.
A cela s’ajoutent une dizaine de membres d’équipage, essentiellement slaves, des professionnels loués avec le bateau mais dont la plupart ont choisi cette mission singulière.
Tous sont partis de Sicile le 30 juillet pour une rotation d’un peu moins de trois semaines, et selon un journaliste de l’AFP présent à bord, l’humeur et le quotidien n’ont pas changé ces derniers jours.
– Scruter les flots –
Les secouristes de SOS Méditerranée continuent de se relayer toutes les deux heures pour scruter les flots jour et nuit, les membres de MSF vérifient le stock de médicaments, l’équipage repeint le pont… sans oublier l’exercice physique.
La nuit, le navire s’éloigne à 30 milles des côtes, essentiellement pour éviter les filets des pêcheurs, et par mesure de précaution en vigueur depuis l’année dernière, les portes menant sur le pont sont fermées à clé.
Dimanche soir, un hélicoptère est venu survoler le navire à deux reprises, toutes lumières éteintes.
Dans la journée, l’Aquarius restera désormais, sauf en cas de sauvetage à mener, à 24 milles des côtes, contre 20 milles auparavant, une distance à laquelle on pouvait apercevoir le relief libyen.
Un plan d’urgence est en place pour permettre à tout le monde de s’enfermer si le navire est abordé. Mais pour l’instant, seul le C-Star, navire affrété par des militants d’extrême droite européens, l’a approché.
Et ce qui inquiète vraiment les humanitaires, c’est avant tout le calme plat de leurs journées.
Alors que la mer est calme et les vents favorables aux départs, l’Aquarius n’a plus aperçu d’embarcation de migrants depuis une semaine. Même au coeur de l’hiver, il n’avait pas connu de rotation de trois semaines sans ramener des centaines de migrants.
En Italie, les arrivées de migrants ont diminué de moitié en juillet par rapport à l’année dernière, et les autorités en ont compté 1.700 depuis début août, encore loin des 21.300 enregistrés sur tout le mois d’août 2016.
“Il est très difficile de savoir ce qui se passe en Libye. Mais ici on voit qu’il y a moins de canots qui partent et que ceux qui partent sont interceptés par les gardes-côtes libyens”, explique Marcella Kraay, responsable de projet de MSF à bord.
Elle, qui a constaté les traces de violences subies en Libye sur les corps de tant d’hôtes de l’Aquarius, s’inquiète du sort de ces migrants interceptés et ramenés dans des centres de détention en Libye, à la merci d’un nouveau cycle d’abus.