Yaoundé, 24 juil 2017 (AFP)

Assise sur sa chaise, Blandine (prénom modifié) est pleinement soulagée, malgré une certaine nervosité. Cette jeune femme séropositive vient de se voir confirmer au centre mère-enfant de la Fondation Chantal-Biya à Yaoundé, la capitale administrative du Cameroun, que sa petite fille d’un an n’était pas contaminée.
A la consultation, on lui a en effet annoncé que le test sérologique réalisé sur le bébé tout juste sevré avait donné un résultat négatif. C’est la deuxième fois qu’un tel test est pratiqué sur le nourrisson depuis sa naissance.
“J’ai l’impression d’avoir remporté une bataille avec cette enfant. Une bataille que je n’ai pas pu remporter moi-même”, soupire sa mère, 28 ans.
– “Une vie à construire” –
Enseignante, mariée à un homme qui assume des responsabilités publiques, Blandine souhaite garder l’anonymat mais la crainte d’être reconnue laisse place à l’impatience de témoigner.
“J’ai une vie à construire”, lâche la jeune femme, bien placée pour évaluer la lenteur de l’évolution des moeurs en Afrique par rapport au VIH. “Il y a une évolution, mais on ne peut pas dire que la stigmatisation ait disparu. Lorsque tu occupes un certain poste dans la société, tu dois défendre ton mari et ta belle-famille, tu dois protéger tes enfants”.
Blandine a découvert sa séropositivité il y a presque deux ans, à la suite d’une longue maladie. C’est son mari qui lui a annoncé le résultat du test fait sur elle. “J’étais incapable, trop malade pour parler au médecin”, affirme celle qui ignore les circonstances de sa contamination.
Quant à son époux, diagnostiqué séronégatif, il a choisi de la rassurer et de l’épauler. “C’est vraiment grâce à l’amour de mon mari que je n’ai pas vécu cette situation comme un drame”, se confie en souriant la jeune maman, qui évoque des mariages annulés et l’isolement de certaines femmes séropositives, quittées par leurs conjoints ou rejetées par leur belle-famille.
“Certaine femmes n’osent même pas en parler de peur d’être abandonnées. Elles gèrent ça toutes seules, sans même s’ouvrir à leur mari”, croit-elle savoir.
Au Cameroun, le taux de prévalence du VIH (4,5% de la population en 2015 selon une estimation de l’Onusida) reste plus élevé chez les femmes que dans la population prise dans son ensemble. Plus souvent dépistées, elles sont aussi plus stigmatisées que les hommes.
Un constat qui prend toute sa dimension dans le contexte de la conférence internationale de recherche sur le sida qui se déroule depuis dimanche -et jusqu’à mercredi- à Paris.
– “Une mère comme les autres” –
Comme Blandine en a fait l’amère expérience, vivre en couple lorsqu’on est soi-même contaminé mais pas son partenaire requiert une hygiène de vie stricte et un nouvel apprentissage de la sexualité.
“Quand vous avez les résultats, ce n’est pas évident de reprendre une vie sexuelle normale, vous avez tout le temps peur au début”, témoigne-t-elle.
La jeune femme et son conjoint ont bénéficié d’un bon suivi et de cours d’éducation sexuelle à l’hôpital. “On nous apprend comment faire, avec des préservatifs ou sans. La fidélité est de mise, pour lui comme pour moi, car on ne connaît pas le statut des gens à l’extérieur de notre couple”, dit-elle.
Malgré sa charge virale “presque indétectable” grâce à son traitement, Blandine ne pensait pas pouvoir donner un jour naissance à un enfant en bonne santé.
“On m’a toujours dit que je pourrais être une mère comme les autres, malgré le VIH, et je ne comprends qu’aujourd’hui que ce n’est pas un leurre. Tu peux accoucher de ton enfant et l’allaiter comme tous les autres enfants. Je suis vraiment heureuse”.
Sa petite fille a bénéficié de la prophylaxie dès sa naissance et devra subir un dernier test sérologique à ses 18 mois.
Dans la salle d’attente de la Fondation Chantal-Biya, Blandine échange aussi avec d’autres mères séropositives. “Ici, je vois de beaux bébés, de jolis enfants. C’est comme si un voile s’était déchiré devant mes yeux. Je sais que n’importe quelle personne qui marche dans la rue peut être séropositive, même si ça ne se voit pas”.
Dans son travail d’enseignante, elle est amenée à conseiller certains jeunes porteur du VIH. Sans dévoiler son propre statut pour l’instant. Mais la jeune femme espère un jour pouvoir en parler publiquement. “Grâce à cette maladie, j’ai acquis une nouvelle compréhension de l’être humain”.