Lusaka, 6 juil 2017 (AFP)

Le président zambien Edgar Lungu a justifié jeudi sa volonté d’imposer l’état d’urgence en accusant l’opposition d’avoir fomenté des incidents violents dans le pays pour « créer la terreur » et remettre en cause le verdict du scrutin de 2016.
Lors d’une conférence de presse, M. Lungu s’est également défendu bec et ongles de toute dérive « dictatoriale », comme le lui reprochent ses adversaires, et assuré qu’il avait pour unique préoccupation de « faire reculer l’anarchie ».
Le chef de l’Etat a annoncé mercredi soir à la télévision son intention de décréter l’état d’urgence après une récente série d’incendies d’origine criminelle.
Le dernier en date, mardi, a entièrement ravagé le principal marché de la capitale Lusaka, sans toutefois faire de victimes.
Dans un climat politique sous haute pression, Edgar Lungu a accusé sans surprise l’opposition d’en être responsable.
« Leur idée est de mettre la pression pour que nous renégocions le résultat des dernières élections », a-t-il affirmé. « L’opposition a un stratagème délibéré pour rediscuter le partage du pouvoir (…) leur idée est de créer la terreur et la panique ».
Depuis ses premières élections multipartites en 1991, la Zambie était souvent louée pour son calme et sa stabilité.
Mais la campagne électorale de l’an dernier a été le théâtre de violences inédites entre les partisans du Front patriotique (PF) de M. Lungu et ceux du Parti uni pour le développement national (UPND) de l’opposant historique Hakainde Hichilema.
Ces tensions ne sont jamais retombées depuis, puisque M. Hichilema refuse toujours obstinément de reconnaître la courte victoire de son rival en arguant de fraudes.
Au contraire, le climat politique a continué à se détériorer.
– ‘Retour à la raison’ –
En avril dernier, le chef de l’UPND a été arrêté pour avoir tenter d’entraver le passage du convoi présidentiel. Poursuivi pour trahison, un crime passible de la peine de mort, il est détenu dans une prison de haute sécurité en attendant son procès.
Le mois dernier, 48 députés de l’UPND ont été provisoirement suspendus pour avoir, comme leur chef, refusé de reconnaître la légitimité de M. Lungu. Le régime a également renforcé sa pression sur les médias indépendants.
L’opposition comme la société civile zambiennes, les églises du pays en tête, y voient la volonté délibérée du chef de l’Etat de faire taire ses critiques.
« La Zambie est la démocratie la plus accomplie de toute la région (…) si c’est la dictature, alors il n’y a pas de démocratie en Afrique », leur a rétorqué jeudi Edgar Lungu. « Je sais que les gens pensent que je vise mes adversaires politiques (mais) je ne fais qu’essayer de ramener tout le monde à la raison ».
Le Parlement, où le parti présidentiel dispose de la majorité, doit dans les sept jours formellement approuver la mesure d’exception, qui renforce notamment les pouvoirs de la police.
Et les députés devront se prononcer tous les quatre-vingt-dix jours sur son éventuelle prolongation.
« Je ne pense pas que l’état d’urgence soit justifié », a commenté auprès de l’AFP l’analyste zambien Neo Simutanyi. « Il ne semble viser qu’un certain groupe de personnes », a-t-il ajouté, « il ne va faire que gêner les gens et créer encore plus de tensions ».
« Vous ne pouvez pas instaurer l’état d’urgence si la cause des incendies est inconnue », a abondé l’ex-président Nevers Mumba, chef du Mouvement pour une démocratie multi-partite (MMD). « Il (le président) doit annuler sa décision ».
Dans les rues de Lusaka, pour l’heure vides de tout renfort policier ou militaire, des habitants confient leur inquiétude.
« Je crains pour nos vies », a témoigné auprès de l’AFP un vendeur de journaux du centre de la capitale, Tobias Simbule, 43 ans. « Nous sommes revenus à l’ère du parti unique que nous avions pourtant rejetée en 1991. C’est un jour triste pour le pays ».