Harare, 17 nov 2017 (AFP)

Le bras de fer s’est poursuivi vendredi au Zimbabwe entre l’armée qui contrôle le pays et le toujours président Robert Mugabe, déterminé à prolonger le règne qu’il exerce depuis trente-sept ans malgré les pressions insistantes de ses adversaires.
En principe assigné à résidence à son domicile, le chef de l’Etat, 93 ans, a fait vendredi sa première apparition publique depuis le coup de force des militaires il y a deux jours.
Revêtu d’une toge bleue roi et d’une coiffe assortie, il a présidé sous bonne escorte une cérémonie de remise de diplômes dans une université d’Harare, somnolant à l’écoute de plusieurs discours.
L’armée est intervenue dans la nuit de mardi à mercredi en soutien au vice-président Emmerson Mnangagwa, limogé la semaine dernière par le chef de l’Etat à la suite d’une intense campagne de son épouse, Grace Mugabe.
Depuis plusieurs mois, la Première dame briguait ouvertement la succession de son mari, à la santé de plus en plus fragile.
M. Mnangagwa, lui aussi prétendant au trône du « camarade Bob » avec le soutien d’une partie de l’appareil sécuritaire du pays, constituait le principal obstacle à ses ambitions.
En exil depuis sa disgrâce, l’ancien vice-président est rentré jeudi au Zimbabwe, a confirmé un des proches à l’AFP.
Il n’est pas apparu publiquement depuis, mais son nom circule avec insistance pour diriger la transition qui pourrait s’ouvrir en cas de départ anticipé de M. Mugabe, au pouvoir depuis 1980 et dont le mandat en cours arrive à son terme l’an prochain.
– ‘La partie est finie’ –
Selon la Constitution, le vice-président succède au président en cas de démission jusqu’à l’organisation de nouvelles élections.
Jeudi, le chef de l’Etat a toutefois catégoriquement rejeté ce scénario dans un premier entretien avec le chef d’état-major de l’armée, le général Constantino Chiwenga.
« Il a refusé de démissionner, je pense qu’il essaie de gagner du temps », a déclaré à l’AFP une source militaire.
Dans un communiqué publié vendredi matin par les médias d’Etat, les généraux se sont bornés à indiquer que les négociations avec le président « sur la prochaine étape » se poursuivaient.
« Ces discussions délicates sur la transition politique pourraient encore continuer plusieurs jours. Un gouvernement de transition devrait ensuite se mettre en place », a anticipé Robert Besseling, directeur du centre d’analyse Exx Africa.
D’ici là, les critiques de Robert Mugabe multiplient les appels au départ immédiat du président.
Vendredi, l’influent chef des anciens combattants de la guerre d’indépendance, Christopher Mutsvangwa, a lancé un ultimatum à Robert Mugabe en le sommant de quitter le pouvoir au plus vite.
« La partie est finie (…), il doit démissionner », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Harare. Il a aussi appelé la population à se rassembler samedi à Harare pour soutenir les militaires. « Nous pouvons finir le travail commencé par l’armée », a-t-il assuré.
Traditionnels piliers du régime avec l’armée, les anciens combattants ont récemment tourné le dos au président en refusant que son épouse lui succède.
– ‘Une nuisance’ –
Les principales voix de l’opposition et de la société civile ont elles aussi exigé le départ de Robert Mugabe, l’ouverture d’une période de transition et la tenue rapide d’élections.
Dans les rues d’Harare, de nombreux Zimbabwéens espèrent désormais la fin rapide de l’ère Mugabe.
« Je l’ai vu aujourd’hui à la cérémonie de diplômes. Il est têtu », a regretté Matthew Chakanetsa, un chauffeur de taxi de 35 ans. « Cette fois, même si ça se termine en bain de sang, tant pis ! Ce type est vraiment une nuisance. »
Dans les rues de la capitale, l’activité s’est poursuivie comme si de rien n’était vendredi, si ce n’est la présence de barrages militaires autour du Parlement ou de la Cour suprême.
Les électeurs continuaient à s’enregistrer sur les listes électorales en vue des élections prévues en 2018.
M. Mugabe, le plus vieux dirigeant en exercice de la planète, avait déjà obtenu l’investiture de son parti, la Zanu-PF, pour y briguer un nouveau mandat.
L’armée zimbabwéenne a annoncé avoir procédé à plusieurs arrestations parmi les proches de M. Mugabe et de son épouse et appelé « la nation à rester patiente et pacifique le temps » de mener à bien son « opération ».
La communauté internationale a continué à plaider vendredi pour un retour à l’ordre constitutionnel au Zimbabwe. Sans se prononcer sur le sort à réserver à Robert Mugabe.
« Le Zimbabwe a une opportunité d’emprunter une nouvelle voie », a estimé le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson, « le peuple du Zimbabwe doit choisir son gouvernement ».
Le président ivoirien Alassane Ouattara a été plus direct. « Il est temps qu’il (M. Mugabe) cède son fauteuil à une nouvelle génération », a-t-il estimé.