Paris, 19 sept 2017 (AFP)

La Tunisie brille cette année au Festival des Francophonies en Limousin, avec 7 spectacles de théâtre, musique et danse, une exposition de photos et des débats.
“Au sud de l’Europe, au nord de l’Afrique, se joue en Tunisie une étrange partie qui mine les acquis de la première des révolutions arabes”, souligne la directrice du festival Marie-Agnès Sevestre, qui a choisi d’inviter autour du couple de vétérans formé par Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi et de leurs deux dernières créations une pléiade d’artistes, photographes, blogueurs, DJ et danseurs pour un programme baptisé “Tunisie aujourd’hui”.
Dans “Violence (s)” et “Peur (s)”, Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi, directeur depuis 2014 du Théâtre National tunisien posent un regard acéré sur ce qu’il est advenu de leurs espoirs nés de la révolution tunisienne de 2010.
Hafiz Dhaou propose avec Aïcha M’Barek “Narcose”, une “danse en apnée” qui décrit “une société qui s’appauvrit en oxygène, qui n’arrive pas à garder un espace de dialogue”, explique-t-il à l’AFP.
“On est pris entre les extrêmes, chacun se cantonne dans sa posture et pense avoir raison. La Tunisie est un grand laboratoire à ciel ouvert de ce que ça peut provoquer d’avoir un discours religieux radical et des gens qui basculent dans l’extrémisme”, dit-il.
Installé à Lyon depuis 2005, Hafiz Dhaou “crée des pièces dans des normes internationales tout en revenant en Tunisie pour développer des projets de formation et créer des pièces avec les moyens du bord”.
Car travailler en Tunisie reste difficile: “Il n’y a pas la ruche pour créer, c’est en train de se faire: il y a des consultations dans le pays pour créer une grande maison de l’art, avec des studios de danse, un opéra, mais on a pas le temps. Le public n’attend pas, il a besoin qu’on contrebalance cette force malveillante qui occupe l’espace public”.
Hafiz Dhaou ne veut surtout pas cantonner sa réflexion à la Tunisie: “Ce qui arrive quand Barcelone est frappée, quand Nice est frappée c’est pareil qu’au Bardo (musée de Tunis frappé par un attentat en mars 2015) ou Sousse (juin 2015), c’est la société civile qui est victime et elle se doit d’avoir un regard frontal sur le problème”, dit-il.
Sa pièce décrit “cette nécessité de reprendre de l’air, d’aller vers la vie au lieu de sombrer dans l’obscurantisme. Notre travail est d’amplifier des métaphores pour aller jusqu’au bout”.
La 34e édition du festival propose du 20 au 30 septembre 23 spectacles du monde francophone, dont le formidable “Kalakuta Republik” du chorégraphe burkinabè Serge Aimé Coulibaly, évocation explosive de la “république” utopique du chanteur nigérian Fela Kuti, qui avait enchanté le Festival d’Avignon.
“Narcose” sera donné au Tarmac à Paris du 22 au 25 novembre. Programme complet: lesfrancophonies.fr